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Les dossiers de GBD : Indeep

Voici 42 ans dans BEST GBD exhumait un pur joyau dans sa gangue avec le certes one hit wonder mais néanmoins colossal d’Indeep, le fameux « Last Night a DJ Saved My Life » parfait cross over entre une ligne de basse néo-disco killeuse et un flow novateur faon hip hop, le tout constituant un des tubes les plus solides à l’aube des années 80. Rencontre avec le trio US formé de Michael Cleveland et de ses deux chanteuses Rejane Magloire et Rose Marie Ramsey.

Ce week-end là, lorsque j’ai pris l’avion pour Amsterdam et posé mes valises au fameux American Hotel sur Leidesplein, à part leur hit irrésistible et leur origine new yorkaise je ne savais absolument rien du trio Indeep. Et pour une bonne raison : leur maxi phénoménal n’était pas encore sorti en France tout comme le LP du même titre « Last Night a DJ Saved My Life ». Plus de quatre décennies après sa sortie le hit d’Ideep aura été samplé dans un nombre record de DEUX CENTS SIX chansons dont Busta Rhymes, Madonna, MC Solaar, Black Eyed Peas, Bomb the Bass, Snoop Dogg, Chris Brown, Ales Gopher, Tom Jones et DJ Shadow. Il est bon parfois de se dire qu’on n’a pas toujours du persil dans les oreilles. Flashback…

FUNK AND FUNK

Avec Indeep publié sur un petit label indé, Sound of NY, leur « Last Night a DJ Saved My Lite », le coup le plus fumant du moment, est en train de renverser toutes les tables. Imaginez : un trio inconnu, un budget microbien et aucune structure de soutien. Pourtant, Indeep plafonne dans les charts un peu partout sur la planète, ils ont même fait la couve du Melody Maker. Leur secret ? Un tube en acier trempé d’une transparente intelligence. Je cite : « When I turned on my radio, I found ail I wanted to know. Check it out last night a DJ saved my life with a song… ». Et c’est trop fort, « Last night…» réveille le DJ qui sommeille en chacun de nous, D’abord, le clin d’oeil au transistor et à la piste de danse. Les appels au D.J. dans le rock ou le funk aux Etats-Unis est une vieille habitude et ce ne sont pas Lou Reed, Jonathan Richman, George Clinton, Cheap Trick ou Donna Sommer qui me contrediront. Normal, la FM y a cessé d’être un ensemble vide dès 68. Là où Indeep frappe fort, c’est sur la souplesse d’utilisation du maxi. On joue à fond le trip D.J. en offrant à chaque utilisateur la liberté de créer son propre mix de la chanson. Car en plus de la version normale, le 45 géant contient : une version a capella, une autre instrumentale et en prime les sound effects en kit (téléphone, pneus qui crissent, chasse d’eau) pour lier la sauce. Quant à la mélodie, son côté répétitif soul nerveuse conduit à l’hypnose à X BPM (Beats Per Minute). Mike, le jeune cerveau d’lndeep, méritait bien de décrocher la queue du Mickey. Vous reprendrez bien un morceau de Gouda ? Dix ans au moins que je n’avais mis les pieds en Hollande. A Hilstrum, le studio city d’Amsterdam, les beaufs flashy du show-biz sont plus gros et plus spongieux qu’ailleurs. Indeep interdit de séjour en France, une histoire de passeport zaïrois appartenant à l’une des nanas ; pour aller en profondeur ( in deep donc !) , il faut aller à eux. Les chanteuses, Reggie et Rose, sont taillées comme des petites filles, c’est marrant, on dirait des modèles réduits des Supremes ou des Vandellas (même s’il en manque une). Quant à Mike, surprise, il est tout blanc et n’a de black que la voix « Lorsque j’étais petit, j’étais tout noir, en grandissant, j’ai éclairci ! Non, sérieusement, j’ai toujours joué dans des groupes où j’étais le seul blanc. Mes influences sont aussi noires que celles d’un mec du Bronx ou du New-Jersey. D’ailleurs, je suis né et j’ai grandi à Newark, de l’autre côté du fleuve, dans le N.J. une banlieue noire et industrielle, où les seules portes de sortie sont celtes du bar ou du studio. Moi, j’ai choisi le studio. » C’est vrai, le petit Mike savait ce qu’il voulait, il avait même appris la patience pour l’obtenir. En fait, « Last Night » était écrit depuis deux ans, mais il fallait attendre le moment le plus propice pour frapper fort.
« J’ai attendu parce que je ne voulais pas perdre le contrôle de ma chanson », raconte Mike, « tant de copains ont eu des expériences désastreuses avec des boites merdiques. Sans aucun respect pour l’œuvre ou l’artiste qu’elles produisent à tort et à travers. Le rôle du producteur est aussi essentiel que relui du réalisateur d’un film, je devais donc l’assumer. Comme il n’existe pas d’école où !’on apprenne à confectionner tes disques qui cartonnent, j’ai appris sur le terrain en zonant dans les studios Je crois que je n’ai pas oublié mes leçons… » « In the mix in the mix, in the mix… » Mike, à la fin de la chanson, le répète inlassablement comme si un invisible maxi devait se mixer à son disco- mix. Indeep se défend d’être un « coup ». Ils regagnent les U.S.A. pour finir un premier LP puis ifs bondissent sur une tournée européenne. A l’origine, le groupe devait être composé exclusivement de fille musicienness pour chatouiller l’oreille et le regard aussi. Il semble qu’Indeep ait changé d’avis et c’est dommage. Au Festival Rock In Loft, le trio viendra avec une bande orchestre, ce qui risque d’être moins bandant. Too bad !

Gérard Bar-David // gonzomusic.fr
Paru dans BEST 178, mai 1983