mercredi, octobre 15, 2025
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    D’Angelo s’éteint à 51 ans

    D’Angelo, pionnier du neo-soul et visionnaire moderne dont les trois albums ont redéfini les frontières entre gospel, funk, jazz et hip-hop, est mort mardi à l’âge de 51 ans.

    « L’étoile brillante de notre famille a cessé de briller dans cette vie… Après un long et courageux combat contre le cancer, c’est le cœur brisé que nous annonçons le départ de Michael D’Angelo Archer, connu dans le monde entier sous le nom de D’Angelo », a déclaré sa famille. « Nous sommes inconsolables, mais infiniment reconnaissants pour l’héritage de musique bouleversante qu’il laisse derrière lui. »

    Sur les réseaux, DJ Premier lui a rendu hommage :

    « Quelle perte. On a partagé tant de moments incroyables. Tu vas terriblement me manquer. Repose en paix, D’. Love you, King. »

    Né à Richmond, en Virginie, Michael Eugene Archer découvre le piano à trois ans et joue déjà des morceaux entiers avant de savoir lire. À seize ans, il monte sur la scène de l’Apollo Theater. Il tremble, se fait huer… puis revient l’année suivante et gagne. Le reste, c’est une légende. En 1995, il sort Brown Sugar à 21 ans, un disque incandescent enregistré presque seul chez sa mère, qui mêle sensualité et spiritualité dans la même phrase. Il devient la figure de proue du collectif Soulquarians (avec Questlove, Erykah Badu, J Dilla, Q-Tip…), réinventant la soul sans jamais la trahir. On l’étiquette “neo-soul”, il déteste ça :

    « Je ne fais pas de neo-soul. Je fais de la musique noire. »

    Avec Voodoo (2000), D’Angelo atteint l’apothéose. Untitled (How Does It Feel) — son plan-séquence nu et brûlant — fait de lui un sex-symbol malgré lui. Sur scène, les foules hurlent “Take it off!”, et lui se referme. Derrière le fantasme, un perfectionniste rongé par le doute, les drogues, le bruit. Pendant quatorze ans, il se tait, apprend la guitare, se perd. Puis en 2014, surgit Black Messiah, un miracle soul-rock aux accents politiques, sorti précipitamment en plein chaos social américain. Un disque prophétique. D’Angelo n’aura sorti que trois albums — Brown Sugar, Voodoo, Black Messiah — mais chacun d’eux a suffi à redessiner la carte du groove moderne. Son art, fait de silence et d’excès, de foi et de chair, appartenait à une autre époque : celle où la musique sauvait encore quelque chose. Avant sa mort, il travaillait discrètement sur un quatrième album.

    « Je ne sais pas exactement où Dieu veut m’emmener, disait-il, mais je garde le cœur ouvert pour le découvrir. »

    Il est parti comme il a vécu : lentement, intensément, sans compromis. Un homme rare, et la preuve qu’un seul corps peut contenir mille âmes.

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